
La femme, épuisée d’avoir marché et couru pendant deux jours et deux nuits sans manger, ni boire, s’affala lourdement sur les sables brûlants d’une dune quelque part dans l’immense désert afghan. De toutes les filles de son village, elle seule avait pu s’échapper du massacre de ses consoeurs musulmanes de la montagne. Elle s’était sauvée et se cachait entre les rochers pour pas qu’ils la retrouvent, cherchant à trouver du secours.
Les pleurs qui ruisselaient de ses joues ne pouvaient inonder les déserts pour ameuter le monde entier. Sa petite voix étouffée par la grande fatigue et l’indescriptible douleur de savoir que toutes les femmes de son village était décimées, ne pouvaient être entendues dans les ondes. Elle était là. Morte comme un gnou frappé et desséché par la chaleur, la famine et la sécheresse. Quelques jours plutard, son corps n’était plus qu’une carcasse des os blanchis recouverts de poussière. Les hyènes et les chacals en avaient mangé toute la chair. Seul son voile, à demi enfoui dans le sable, flottait dans le vent et faisait signe aux éventuels passagers de s’approcher pour leur raconter la triste et dramatique histoire.
Un journaliste en quête de sensationnel perdu dans le désert, s’arrêta là avec sa jeep, ayant aperçu au loin le voile lui faisant signe de s’approcher afin qu’il lui racontât l’histoire de cette femme.
Il scruta bien la carcasse de cette femme, mais ne sût rien de son drame. Il passa son chemin et arriva sur un village désert où tout était silence. Rien. Même pas un chat. Il passa son chemin…
Cette histoire, vous ne l’entendrez de personne. Ni de la file des caravaniers, ni des jets des hommes d’affaires qui parcourent les déserts, les oasis et les îles du monde à la recherche de la paix, de l’or et de quiétude, ni de la meute des politiciens à l’affût de tout gisement d’argent dans les régions les plus riches du monde au détriment des pauvres autochtones, ni de cette autre meute des journalistes avares des informations inédites pour leur audimat, ni de ces chasseurs d’images rares qui perturbent la vie des autres pour de l’argent. Tous ces gens ne vous la raconteront pas. Parce qu’ils n’en ont pas eu vent.
Mais l’esprit de cette femme erre dans la nuit. Et je l’ai vu dans mon esprit, cette femme. Elle courait de toutes ses forces pour échapper aux tueurs et chercher du secours pour aider les siens. Personne ne l’a vu, personne ne l’a entendu. Elle est morte dans le désert. J’espère simplement que ses ultimes efforts et ses pleurs n’ont pas été inutiles.
Jules Kebla
2 mai 2001, Paris Joinville
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